Existe-t-il une religion créole ou métissée sur les territoires d’Outre-mer ? Parle-t-on alors de « double pratique religieuse » ou de « syncrétisme religieux » ?
Cette semaine, Marie Lesure-Vandamme reçoit sur son plateau un croyant catholique et hindou, un prêtre anthropologue et une historienne.
Comment peut-on être à la fois catholique et hindou dans sa pratique religieuse ?
Jonathan Soubarapa, catholique et hindou, est originaire de la Guadeloupe et vient témoigner de sa foi et de sa pratique religieuse. Élevé par une mère « 100% catholique » comme il le précise, il a néanmoins été introduit à la religiosité hindouiste par sa grand-mère. Celle-ci l’amenait, tout petit, au temple familial. Elle l’a alors initié au culte des ancêtres et au rite hindou. Il se rappelle allumer des bougies, amener des fleurs et apprendre la cuisine indienne, héritage de sa culture hindoue. Il précise que sa grand-mère, bien que pratiquant la religion hindouiste, allait néanmoins, de temps en temps, à l’église. Pour Jonathan Soubarapa, il n’existe ici aucune contraction entre les deux religions. En effet, tant que l’on est tourné vers le divin, aucune barrière ne doit être posée.
Peut-on alors parler de « double pratique religieuse » ?
Pas pour Céline Ramsamy-Giancone, historienne réunionnaise et ayant rédigé une thèse sur : “Les contacts entre le catholicisme et les cultes indiens de l’Île de La Réunion à l’Inde du Sud, du milieu du 19e au début du 20e”. Pour l’historienne, ce terme est réducteur dans la mesure où il ne rend pas compte de l’ensemble des pratiques religieuses. Un terme plus approprié serait celui de religion vécue. Par exemple, dès les 17e et 18e siècles, en Inde, existaient déjà des contacts entre catholicisme et hindouisme puisque des missionnaires étaient déjà implantés là-bas. Les Indiens, principalement issus des couches sociales les moins favorisées, pouvaient alors adopter le catholicisme lors de périodes difficiles et revenir à l’hindouisme plus tard. Cette hybridité religieuse, faite de rencontres multiples, s’est renforcée grâce à l’immigration de populations indiennes ou chinoises notamment, sur les territoires d’Outre-mer.
Pour illustrer ces propos, nous allons à la rencontre, dans un premier temps de Leïla Chouni et de son fils Yannis, en Guadeloupe. Leïla et Yannis sont indiens d’origine. Ils vont régulièrement au temple familial dans lequel ils honorent la divinité familiale et leurs ancêtres. Ils se considèrent également catholiques et vont à la messe. Pour Yannis, leurs pratiques et croyances ne sont pas contradictoires puisqu’il croit en un seul Dieu.
Existe-t-il une religion créole ?
Le père Stéphane Nicaise, jésuite et anthropologue, habitant à La Réunion, précise qu’il existerait une spécificité à l’hindouisme créole dans le sens où il ne ressemble en rien à celui indien. En effet, il explique que si les missionnaires avaient jadis voulu imposer un ordre social catholique (en tant que pratique officielle), ceux-ci n’avaient pas anticipé que les individus ont chacun une représentation particulière du monde, faite de leurs expériences et plus globalement de leur vécu. La religiosité créole serait alors caractérisée par une réappropriation des pratiques catholiques dans certaines croyances hindoues, chinoises, musulmanes, etc.
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